Le Champ des Clefs

De l’espoir naît la douleur.  Qu’elle a fait mal, cette nuit sur la crête, entre victoire et défaite. Petit espoir si vite grandi, pourtant, à la faveur d’une certitude, soudaine et entière : celle de n’être pas seuls. 

Il aura fallu sentir ce souffle, le frisson de trouver son peuple. Bigarré, jeune et vieux, étudiant, cadre, syndiqué, chômeur, mais tous azimuts tourné vers un même but, vers un idéal d’humanité. 

Qu’elle était belle cette foule ! Ce n’était pas la peur qui nous portait alors, monsieur le journaliste, ne vous déplaise. C’était l’enthousiasme et, oui, c’était l’espoir comme un brasier, comme une lame de fond qui a bien failli l’emporter. 

Alors ce matin, après la nuit grisâtre, c’est mon coeur qui a fondu en larmes, brisé comme un oeuf face à l’espoir écrasé. Amère décoction, bide en vrac

Pourtant, dire que tout est fini ? 

Faut-il être si fragile, après les regards et les sourires, après les visages inconnus mais amis, après les idéaux vibratiles, vision fugace d’un autre possible ? 

Non.

Demeurent notre énergie, nos idéaux d’harmonie, notre âme assoiffée de justice. La résignation est un lac froid, mais l’espérance est une eau vive, faite de ruisseaux qui courent dans la même direction. L’oeuf cassé a éclos en une colère motrice ; à la déception succède une paix, née d’être ici, maintenant, dans une forme d’ensemble, au seuil de tout. 

Je n’aurais jamais cru qu’il faille oser la foi.