Le Champ des Clefs

Le Champ des Clefs

Journal de bord, Entrée matinale: Dimanche 13053105. RAS

La productivité n'ayant décidément aucune discipline, je publie ici mon deuxième texte en une semaine. Celui-ci est coécrit avec Poio, mon n'ami que je remercie à la fois pour l'idée, l'hébergement tardif et environ la moitié de la nouvelle. On espère que ça vous plaira, et voilà le lien vers le blog du poulet : https://latelierbordeliquedupoulet.wordpress.com/

 

 

***

 

 

Journal de bord, Entrée matinale: Dimanche 13053105. RAS

 


« Capitaine ! Capitaine ! Un vaisseau détecté à 200 clics.

- Roh putain, t'en a pas marre de cette blague pourrie ?

- Non mais pour de vrai là. Ca bippe. Moi je dis quand ça bippe, c'est mon boulot. Après si tu veux pas que j'fasse mon boulot tu m'dis et j'vais au comptoir comme tout l'monde, merde. »

Le capitaine lève d'un doigt sa casquette, et constate en effet la présence d'un petit point rouge sur la navmap.

« Et euh, t'es sur que c'est pas un glitch ?

- Sûr ! Enfin … Ça fait 1 minute que c'est là, et ça tressaille pas ni rien.

- Eteins et rallume pour voir ? »

 

. . .
« Ah ouais. Bon bah lance les analyses détaillées, et réveille l'équipage. J'vais pisser. »

 

C'est comme ça que la première journée intéressante du voyage a commencé. A la réflexion, j'aurais bien aimé que tout se passe comme d'habitude, en fait. Chiant à s'éplucher les ongles de pieds avec les incisives. Mais non.

Me voilà donc devant mon moniteur qui clignote rouge, à attendre mes résultats et mes collègues pendant que le pitaine est parti vider sa vessie et se faire une beauté. Le suspense est vraiment à son comble : on entendrait une mouche voler (si seulement on en avait, mais il faut bien quelques avantages au fait de vivre dans une boite de conserve). Et puis il est pas prêt de s'arranger, ce suspens à la con… Le vaisseau envoie pas la moindre émission, s'ils nous répondent pas, on va juste passer 3 jours avant de l'avoir à vue.

 

« Bon alors, qu'est-c'est qu'ce merdier, Boris ? Peut même pu ronfler tranquille ? L'est où le pitaine ? 

- Alors dans l'ordre : ça clignote sur le radar, non, et parti pisser.

- Ah.

- Voilà voilà. »

Lee me contemple pendant quelques secondes, le visage empli d'une totale absence d'expression. M'est avis qu'il a pas mal éclusé à la cambuse avant d'aller se pieuter. Le joli vermillon dont se pare son fond de l'oeil me laisse un indice supplémentaire. Ah, ces jeunes… Soudain, la lumière revient dans ce cerveau déserté, il se redresse un peu et il percute.

« ça clignote ???

- Ouais.

- Chier … Va falloir se décider à lire le protocole alors …

- Rooh, sérieux ? T'étais sensé avoir la première semaine pour lire ça, tu déconnes !

- Euh ouais, enfin pas un mot au pitaine steuplait, sinon j'vais passer par le sas … »

SCHTUMP

« -Rah mais bordel de chiotte à cul ! Rodrigez, tu ranges ton foutoir illico ou j'te carre ta foreuse dans l'fond du cul ! »

Lee et Boris étouffent un éclat de rire au retour, discret s'il en est, du capitaine.

« -Et alors qu'est qu'y a vous deux ?

- Rien … enfin ça clignote toujours …

- C'est sympa, ce côté noël…

- Bon bah au lieu de dire des conneries, c'est quoi la suite du protocole ? 

- Ooooon tente une communication. »

 

Bien joué, mon ptit Lee douillet. Tu viens de gagner un sursis de sas.

 

« Eh bah procédez, procédez ! »

 

Or donc, je procède.

« Voilà, capitaine, ça transmet, à vous. 

- Hein ? Euh ... Beh … Hrm. Bonjour. Ici le capitaine du vaisseau fédéral de transport alimentaire n°7666666. Y'a quelqu'un ? A vous. »

 

Oh, ça va. On a les petites vengeances qu'on peut.

 

 

 

 

Après un loooong silence, le capitaine se retourne de nouveau vers Lee.

« -Bon bah ça c'est fait. Coupez la transmission. Protocole ?

- Euh, on s'approche et tente d'établir un contact. Leurs communications peuvent simplement être mortes, je suppose.

- Bien, recrue. Boris, plus la peine de réveiller l'équipage alors … On est reparti pour 3 jours de croisière aux frais de la Fédé. »

 

5 minutes plus tard, je réalise que le message transmis était crypté … Oups. On va faire comme si c'était bon. De toute façon, les premières analyses sont revenues bredouilles. Version brève : c'est pas un astéroïde. Enfin c'est déjà ça ; on aurait eu l'air con à essayer de discuter avec du caillou.

 

Au bout d'un moment, le pitaine part se coucher, me laissant seul avec un Lee qui ne rêve que de retrouver ses couvertures. Pour être franc j'ai hâte de pouvoir faire de même ; manque de bol, il me reste bien trois heures à tirer.

« Va te coucher, t'inquiète pas, on a encore un peu de route à tracer dans le vide… Jvais pas me désintégrer sur place.

- Oh, ok. Euh. Merci. Bonne nuit. Enfin… Ouais, salut. »

 

Jamais compris comment il arrivait à enchaîner autant de mots inutiles à la suite avec un tel naturel. L'éloquence à l'état pur. Je me plonge dans la contemplation morne du point rouge à peine mobile sur mon cadran… J'en connais trois qui vont être longs.

 

Journal de bord, Entrée exceptionnelle : Rencontre avec … Quelque chose. Tentative de communication. Nous approchons. ETA dans 3j.

 

 


Journal de bord, Entrée matinale: Mercredi 16053105. Il fait beau. Les oiseaux chantent. Le chat chasse toujours le point rouge.

 

 

« CONTAAAACT VISUEEEL ! »

 

L'annonce éclate dans tous les hauts parleurs du vaisseau (du moins, ceux qui sont encore en état de fonctionnement), mais je crois qu'on en aurait pas eu besoin étant donnée la stridence de la voix de Boris. Mais aujourd'hui, on est pas à ça près : quinze ans que je navigue à travers la galaxie, et c'est la première fois qu'on tombe sur un os. Un vaisseau inconnu, qui ne répond à aucun de nos signaux depuis trois jours qu'on l'a dans le viseur, pensez ! Je suis tellement impatiente de le voir que je débarque en courant sur le pont avant de m'en rendre compte.

Et il est là. Un vaisseau bouboule tout bizarre avec une signature thermique pas banale. Rien vu de pareil jusque là. Même quand j'étais pilote d'essai sur des projets confidentiels. Déjà, ça ressemble pas à un vaisseau de combat. Enfin en même temps, ça ressemble à rien. Même pas foutue de distinguer les propulseurs là-dessus. En tout cas, c'est pas aux couleurs de la Fédé. Espérons que ça dégénère pas.

 

« Alors, Rodrigez, heureuse ? C'est une belle bonbonne de gaz ! Pas trop déçue quand même ?

- Tu déconnes ? J'ai jamais vu ça ! J'arrive même pas à comprendre par quel bout c'est sensé s'amarrer ! C'est dément !

- Arrête ce sourire, y a le pitaine qui va arriver, faudrait pas qu'il s'inquiète. Il est chiant quand il s'inquiète. »

 

Je rigole. Il a pas tort, Boris : j'ai pas le sourire facile, d'ordinaire. Mais là, je me sens comme une gamine devant ses cadeaux d'anniversaire. C'est la première fois depuis mon éviction de la Space Corp que j'ai pas le temps de me demander ce que j'ai raté dans ma vie. Il FAUT que j'aille voir là-dedans. Je reprends l'air sérieux, très pro. Pile à temps pour le retour du pitaine.

 

« Boris, debrief !

- Bon bah on a un vaisseau bouboule non identifié, pas de couleurs reconnaissables. Signature thermique bizarre, pas moyen de dire si c'est peuplé. Dense pour une petite merde, selon les senseurs.

- Lee, protocole !

- On toque à la porte. Sortie extra, prenez le pied de biche. Premier objectif : le journal de bord.

- Bah prend le toi-même, t'y vas avec Rodrigez. Contact radio permanent. Préparez vous pendant qu'on s'amarre. »

 

Et merde. J'vais devoir me traîner le chiard. J'suis sûre qu'il est même pas foutu d'enfiler sa combi tout seul.

 

 

 

 

Journal de bord, Entrée exceptionnelle : approche du vaisseau, origine inconnue, affiliation inconnue, toujours pas de réponse. Amarrage et enquête en cours.

 

KPONK.

 

Ô stupéfaction, Lee est pas doué. Bon déjà il a pas éclaté le filin d'amarrage. Par contre il a déjà paumé le pied de biche.
Bon point, le bouton d'ouverture de leur sas fonctionne. Toujours plus pratique que de devoir passer à travers la carlingue.

 

« On est entré dans le sas, je referme derrière nous. Plutôt cosy, à première vue. Un peu sombre.

- Bien reçu, faites comme chez vous. 

- Pressurisation. »

 

Lee a décidé de se rendre utile et il se précipite pour refermer le sas derrière nous pendant la communication. J'appuie sur le bouton de pressurisation -ce vaisseau a beau ne ressembler à rien de connu, je commence à me sentir des affinités avec son interface.

 

C'est en tournant la tête que ma frontale reflète un truc ; j'avise du regard, et

 

« BORDEL DE MERDE ON A UN PROBLEME »

 

je crois qu'on est en train de prendre la flotte. Lee ne trouve rien de mieux à faire que me dévisager en écarquillant les yeux. Des masses aqueuses se répandent assez vite le long des murs en ondulant dans tous les sens. Une soudaine nausée m'envahit. Ma principale préoccupation pendant quelques instants est de garder ma visière propre. Il faut qu'on sorte de là, de toute évidence. Je m'élance sans la moindre grâce vers l'issue verrouillée et cherche en vain une ouverture d'urgence.

 

Je retire tout ce que j'ai pu dire au sujet de l'interface de ce putain de vaisseau à la con. Les murs d'eau s'épaississent à vue d’œil et je vois venir le moment où je finirai écrasée par toute cette flotte qui se referme sur nous. Pas le moment de se la jouer claustro. Je fouille la pièce des yeux, en quête d'une solution inespérée, mais rien ne vient, sinon un Lee en train d'essayer de dégager la porte en écopant avec ses mains en coupe.

3.
2.
1. D'instinct, je retiens ma respiration.
Immersion.

 

Au final, pour le moment, ça va. Nos combis ont l'air de gérer la pression, si c'est pas le cas, on va vite être stone. Ce crétin de Lee essaye frénétiquement d'ouvrir la porte extérieure par la force. Je l'arrête vite. Une dépressurisation serait plus que violente à ce stade. Je reprends mes esprits et réalise enfin que depuis de longue minutes, Boris et le capitaine me hurlent des questions saugrenues dans le casque.

 

« Je … Euh. On va bien. Le sas est rempli d'eau. 

- Aaaah ! Hein ?

- D'eau, de l'eau. Glouglou les ptits poissons tout ça.

- Mais °°°rquoi ?

- Qu'est ce que j'en sais moi.

- Soit, rep°°°°°°°°°°° et trainez °as trop ! »

 

Super. Maintenant la communication commence à sauter sérieusement. Je sais pas si on gardera le contact encore longtemps. Bon, à nous deux, vaisseau humide. Je fais signe à Lee de rester derrière moi, et j'ouvre la porte qui mène à l'intérieur de la navette.

 

Malgré le système de régulation thermique de ma combi, un léger frisson me secoue, sans que je puisse déterminer si est dû à l'immersion ou à l'appréhension qui m'envahit. Dans mon casque, les voix de Boris et du pitaine se sont tues. Le silence. Que le sang qui bourdonne à mes oreilles, et ma respiration courte. La lumière blafarde de nos frontales se dilue autour de nous et se perd dans la nébulosité inhabituelle de notre environnement.

 

Nous avons débouché dans un couloir étroit, qui forme un coude à chacune de ses extrémités. Les murs semblent rugueux. Du crépi ? Quelle engeance irait foutre du crépi dans un putain de vaisseau spatial ? Je m'approche davantage, et mon examen révèle une foultitude de petits trucs mouvants, avec des cils qui ondulent dans le courant. Pas du crépi, non ; plutôt des coraux. L'un dans l'autre, je trouve ça presque réconfortant. Je sais pas depuis combien de temps cette épave traîne dans le coin, mais pour que tout soit aussi tapissé, ça doit faire un bout. Etonnant que le sas ait fonctionné. Je me demande d'où vient toute cette flotte.

 

Aucune idée de la direction à prendre. Dans le doute, je tourne à droite. Pas facile de nager dans un boyau tortueux, sans visibilité, avec un Lee apeuré qui se colle à mes basques. Ça va se finir que je vais lui défoncer le casque par inadvertance sur un mouvement de pied. Abruti. (Mais dans un coin de mon crâne, une toute petite voix insinue que je commence à trouver préférable la compagnie d'un abruti à pas de compagnie du tout).

 

Nous nageons donc comme on peut en évitant de nous frotter de trop près aux murs coralliens, et j'entreprends de nous faire faire un petit tour du propriétaire. Pas très chaleureux, et on ne peut plus désert, mais on peut pas dire que ça manque d'atmosphère.

Même après un tour, je comprends pas ce vaisseau. 3 couloirs, une vague salle toute étriquée, rien qui s'apparente à un poste de commandement. Ou alors c'est une épave qui a été recyclée en tentative de ferme hydroponique. Mais par qui, aucune idée. En tout cas ça pousse, là-dedans.

 

J'en suis encore à me poser des questions existentielles à propos des lieux quand une ombre passe furtivement devant moi, en coupant le halo de la frontale de Lee. Je fais volte-face, mon taser au poing, et me retrouve face à mon jeune collègue. A son regard de lapin tétanisé, il a vu aussi. Je note au passage ses yeux rougeoyants, qui ne seraient pas inhabituels chez lui sans cette grosse veine bleue qui saille sur son front. Moyen, la gestion de la pression. Va pas falloir traîner, surtout si nous ne sommes pas seuls.

Dans un éclair de génie, je range mon taser.

 

BIP

« -Bip ? D'où ça tu me bippes ? »

Ca y est, je me mets à parler toute seule. Enfin, à ma combinai

BIP

Mrpfff et j'arrive même à me faire couper la parole. Vite, mes constantes.
BIP
Oxygène, ok. Pression ok. Thermo ok. Bon bah tout va bien.
Bshuwhuwuwuwuwu.

Je vous ai déjà dit qu'il fait sombre ici ? Sans lumière, c'est pire.

 

Bien, pas de panique. Mes fonctions vitales sont ok, et Lee a encore de quoi nous éclairer. N'empêche, maintenant qu'il fait deux fois plus noir, j'ai l'impression que ça bouge autour de nous. C'est moi qui psychote ? Ou alors c'est la pression ? Une chose ondule à ma gauche, se fond dans l'obscurité, et j'ai la conviction que c'est derrière mon dos. Je me rapproche de Lee.

 

Je ne sais pas ce qu'il a encore branlé, celui-là, on dirait qu'il a eu peur de moi ; il fait un bond de cinq mètres quand j'arrive à portée, il perd le peu d'équilibre qu'on a quand on est immergé dans l'eau sous zéro grav, et il vient heurter le mur. Par réflexe, je lui attrape le bras au rebond et parviens à le stabiliser. Nos regards se croisent, il m'a enfin reconnue. Je lui fais un signe d'apaisement. On a frôlé la catastrophe.

 

O

  .O

 

O

 

Bien.

 

Soit mon collègue vient d'apprendre à péter par les manches, soit on a PAS frôlé la catastrophe. On nage en plein dedans. Ok, Lee, regarde moi et enregistre : tu vas pincer le trou avec ta main. Non, l'autre. Voilà. Maintenant tu passes devant, et on se tire d'ici. Je devrais songer à une reconversion professionnelle : mime, ça, c'est un métier d'avenir ! Apparemment j'ai le talent. Et la trouille. Je m'efforce de rester à portée de Lee dans ces saloperies de couloirs sinueux, histoire de ne pas me retrouver en plus à court de lumière.

 

C'est pas normal, on devrait déjà être arrivés au sas. C'était pas si grand que ça, tout à l'heure. On a pas pu se perdre, c'est tout petit, y a pas plus de trois couloirs ! Non, ça ne va pas. Lee, stop. Demi-tour. Je réprime un sursaut en découvrant sa tronche toute bleue. Mec, tu vas mal. Mais restons zen, si on panique, on est mort. Ok, plus lentement, on sonde le mur. Reste avec moi. Donne moi la main. On scrute la paroi. Y en a épais, de cette merde de corail. J'avais pas noté les couleurs. Je sens Lee trembler, je m'arrête régulièrement pour lui « parler », par signes, qu'il déconnecte pas. Mais dans l'atmosphère embuée de son casque, je le vois de moins en moins, lui, ses yeux rouges, sa veine violette et ses lèvres bleues.

Et pas la moindre foutue trace de porte. Merde !

 

Soudain, Lee change d'attitude. Le genre de changement qui se ressent, sans mot sans geste sans rien. Il m'adresse une phrase. Puis l'air paisible, il lâche le pli écorché de sa veste.

«  M'abandonne pas petite merde! M'ABANDONNE PAS ! »

Je tente de récupérer son pli comme je peux. Mes larmes commencent à m’empêcher d'y voir clair. Comme si y'avait besoin de ça. Quand j'attrape enfin sa manche au bon endroit, Lee me gratifie de 2 petits soubresauts.

 

« Enfoiré ! 

Enculé, petit furoncle de chiotte mal baisé, salaud d'enfant de putain de merde de mes deux ! Mais tu te crois où, connard ? Hein ? TU TE CROIS OU ! C'est ça, va faire des bulles en enfer, sous merde en gelée de groseilles, bâtard de chien de gros blaireau ! Tu serais pas déjà mort, je te crèverais moi-même, ordure ! Ah c'est sûr, il va être fier ton père maintenant petite merde ! C'est pas du tout un loser et une couille molle son fils. ETAIT PARDON, C'ETAIT PAS DU TOUT ! ESPECE DE… DE LÂCHE ! »

 


Journal de bord, Entrée exceptionnelle : Envoi de 2 éclaireurs à bord du vaisseau inconnu. Sas inondé. Contact perdu. 50 minutes déjà.

« Vous croyez pas qu'il faudrait qu'on aille les aider ?

- Non. Enfin. Non. On peut pas se permettre de risquer la marchandise. Et je te rappelle que Rodrigez était la plus qualifiée en cas de vrai pépin.

- Mais vous pouvez pas les enterrer comme ça ! Capitaine, c'est vos hommes, et vous allez rester là les bras croisés, à attendre que ça se passe ?

- Et alors Boris, tu proposes quoi ? Tu veux y aller, toi ? Avec quelles compétences ? Avec quel équipement ? Nos combis sont pas faites pour supporter l'immersion, et c'est pas dans nos attributions de gérer ce genre de cas ! Et puis aux dernières nouvelles c'est encore moi qui commande, ici ! Alors voilà ce qu'on va faire : on attend encore dix minutes voir s'ils reviennent, et puis après on va décaniller, c'est clair ? Et efface-moi les dernières entrées du journal, personne n'a besoin de savoir ce qu'il s'est passé ici. Tu ne veux pas perdre ta place. Et crois moi, tu ne VEUX pas avoir affaire au Conseil Fédéral. EXECUTION !

- Bien… Capitaine. »

 

Connard.

 

 

Allez Rodrigez. T'as bien vidé ton sac et tes glandes lacrymales. Maintenant il serait temps de se remettre à penser survie. Le sas. Faut que je trouve le sas. Sérieux, fallait que tu m'lâches comme ça, Lee. M'en fous, moi j'te lâche pas, pas tout de suite, j'ai besoin de ta lampe. Allez on refait un tour, mais méthodiquement cette fois.

 

Et ok, je comprends mieux. Ces saloperies de coraux ont décidé que c'était l'heure de leur sortie matinale. Y en a deux fois épais comme tout à l'heure. Merde, y en a partout, je vais jamais la retrouver. Je l'entends encore me dire « prends pas ta foreuse, faudrait pas qu'ils nous prennent pour des hostiles si y'a du monde là dedans ». Tu parles, elle aurait sauvé ton cul ma foreuse.

Tiens Lee, rend-toi utile encore une fois, déblaie moi un peu tout ça. Avec ton pied, là. Voilà, vlan, c'est ça, grand coup d'tatane. C'est bien mon gars, t'es plus opé mort que vivant.

 

Y a rien, que du mur, là-dessous. AH MAIS QU EST CE QUE C ETAIT QUE CA ?

 

Je tourne mon Lee vers la forme, mais l'eau glauque, rendue trouble par les débris et les poussières de coraux, me laisse peu de visibilité. Je parierais que ça a fermé les yeux.

 

Panique. Je déblaie les murs au hasard, à toute vitesse, armée de Lee et de mes propres pieds, mais plus je tape la barrière acérée, plus ça repousse. Ce machin s'étend à un rythme de dingue, de plus en plus dur, de plus en plus coupant. Je lacère la combi de Lee sur des coraux aiguisés comme des rasoirs, et de part et d'autre de mon champ de vision, des formes se rassemblent, silencieuses et immobiles. Furtives. Sournoises. Pas de sas.

« Laissez moi sortir ! »

 

Je patauge dans une eau devenue blanche et rose, déstabilisée par mes propres remous, engoncée dans ma combi inconfortable. Quand j'arrive au bout de mes forces, je me rends compte que je ne peux presque plus bouger. Les coraux ont tellement pris en épaisseur.

Si je comprends bien il me reste que 2 solutions. Œuvrer à ma propre mort, ou l'attendre.

 

Sympa.

 


BIP

 

BIP

 

BIP.

 

 

Journal de bord, Entrée matinale: Mercredi 16053105. RAS



18/09/2015
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