Le Champ des Clefs

Petite ancre trop solide, hameçon accroché dans les fibres de ma chair, fil de nylon, transparent mais cruel, douloureusement tendu. Ce qui appartient au passé voudrait être encore, l'histoire n'a pas assez vécu et s'accroche de toutes ses forces à la corniche de mon cœur, comme un damné qui refuse de tomber dans l'abyme. Et moi je lui tends la main, je l'agrippe et me blesse, je voudrais la hisser ou bien qu'elle coule à pic, ou tomber avec elle. Je m'écorche à ses épines avec délectation, je rêve et je soupire, mais mon sang est fécond.

Mon monde est indicible, c'est un château hanté

Par l'ombre du Désir et de la destruction

Dans chaque recoin noir un fantôme est caché

Qui te ressemble trop, cruelle tentation

Les couloirs sont immenses, obscurs, abandonnés

Mais j'erre entre mes murs en maîtresse captive

J'arpente mon dédale étrange et torturé

Attirée par le feu de mes pensées rétives

Je suis une Circée que retient sa prison

Et sans fin poursuivant le souvenir d'Ulysse

Une Ariane qui perd le fil de sa raison

Se donnant à des monstres, alanguie de délices

Quand parfois je m'égare en des lieux par trop sombres

Que je vois sous les plumes de la séduction

Poindre les crocs affreux des démons d'Outre-Monde

Je m'éloigne à regret, car ils portent ton nom.

Et pourtant je retiens dans mes deux bras en rond

Tous ces moments passés partagés avec toi

Je ne regrette rien, j'en ai eu trop de joie

J'ai juste peur du jour où tes yeux l'oublieront.