le bateau sans capitaine

Je ne suis pas capitaine
De mon propre bâtiment
Je ne suis jamais certaine
De la direction qu’il prend
A bâbord, à tribord toute
Il se perd sur l’océan
Et il se met en déroute
En virant à tous les vents

Un beau jour, à l’abordage !
Mon bateau fut capturé
Accrochée au bastingage,
Je ne pus que regarder
Le brigand n’était pas sage
Mais il était tendre et doux
Le bel oiseau de passage
Ne repartit plus du tout

Nous pensions avoir trouvé
Pour la suite du voyage
Un confortable voilier
Mais mon bateau est sauvage
Rien ne peut le gouverner
Nulle barre ni cordage
Si bien qu’un jour, dérouté
Nous faillîmes faire naufrage

La nuit se chargeait d’éclairs
L’orage grondait au loin
Et mon bateau téméraire
Fila tout droit sur le grain
Il fendait l’écume, fier
Sur la mer opalescente
Indomptable va-t-en-guerre
Et moi, grisée et tremblante

L’orage et la nuit passèrent
Et nous n’avions pas coulé
Mais qu’avait pris à la mer
Mon bateau, dans ses filets ?
C’était un beau rescapé
Arraché aux profondeurs
Qui finit par embarquer
Sur ma galère au grand coeur

Un moment, elle fila doux
Je la crus même comblée
C’est alors, le croirez-vous ?
Que je me pris à rêver
D’une nouvelle aventure
Sur le pont de mon voilier
Un ou deux grands bols d’air pur
Au goût des embruns salés

Des embruns, elle m’en donna !
Même un peu plus que prévu
Mon bateau ne s’en tint pas
Au plan que j’avais conçu
Prenant la vague en travers
Il gîta comme un perdu
Je bus mon content de mer
Et je n’en dessalai plus

Une fois l’eau écopée,
Devinez ce qu’on trouva
Douillettement installé
Par miracle entre mes bras ?
Un homme aux allures de chat
Brun comme une nuit sans lune
Qui grimpa en haut d’un mât
Pour s’installer sur la hune

Il y avait avec lui
Un être aux mains remplies d’or
Aux grand yeux couleur de pluie
Qui fabriquait des trésors.
La fin n’est pas étonnante.
Comme il avait son amour,
Mon bateau, mon coeur d’amante
Sombra pour iel à son tour.